mercredi 30 décembre 2009

Où va la démocratie ? (suite 1)


2 – Les pantocrators en majesté


Comment un seul individu peut-il répondre aux aspirations de son peuple, tout en tenant compte des nouvelles contraintes internationales et en gardant un vision d'avenir suffisamment ambitieuse pour mobiliser l'énergie des plus entreprenants ?

Le « Pantocrator » est un animal politique confirmé. Il a compris de longue date où réside la vraie puissance. La Parole est son arme favorite. Il adapte son discours non seulement à l’oreille qui l’écoute, mais encore au lieu et au moment. Le temps de l’élection ou de la réélection n’est pas le temps du règne. Et d’ailleurs les électeurs le savent parfaitement.

S’il est un souverain héréditaire, le « Pantocrator » se préoccupe de faire émerger, par le biais des mariages arrangés et de l’éducation princière, une lignée à fort potentiel. Si son dauphin selon le sang ne paraît pas mûr pour assurer la continuité de la dynastie, le « Pantocrator » retarde sa retraite en espérant hâter la venue au pouvoir d’un petit-fils ou d’un neveu.

Qu’il soit Président élu ou souverain héréditaire, les cérémonies et les fêtes sont les accessoires indispensables au maintien de la relation amoureuse entre le peuple et le « Pantocrator » . Relation amoureuse qui oscille entre l’admiration béate et la détestation.

Mais l’outil le plus indispensable, c’est l’exploitation médiatique du moindre événement susceptible d’émouvoir l’opinion publique. Dans les catastrophes que subit tel ou tel groupe de citoyens, le « Pantocrator » se déplace d’urgence avec les caméras de la télévision. Il est notre porte-parole, notre porte-sympathie, auprès des malheureux en vedette chaque jour. Après tout, nos impôts couvrent largement ses frais de déplacements !

Il en est de même dans les relations internationales. Voir notre « Pantocrator » en compagnie des autres dirigeants du monde est de nature à remuer notre fibre patriotique, au moins autant que la retransmission des matchs de tennis ou de football. Plus encore que la Parole, la maîtrise de l’Image est un outil essentiel du pouvoir.

Pour tout dire nous aimons ça. Nous entretenons l’illusion de rester libres. Seuls de rares individus arrivent à résister au conditionnement psychologique quotidien. Dans la durée d’un mandat, dans celle d’un règne, ces réfractaires resteront une minorité que les règles de la démocratie représentative ne porteront pas au pouvoir.

On dit que les mœurs précèdent les lois. Le phénomène s’accélère. L’opinion publique vote tous les jours. Heureusement, le cours des choses va à un autre rythme.

La démocratie directe, qui a connu son âge d’or sous les républiques grecques, n’est pas utilisable dans le contexte économique et relationnel de la mondialisation.

Le libéralisme intégral, tel qu’il fut théorisé au XIXème siècle, n’est en fait mis en œuvre nulle part. La loi du marché qui, par le vote permanent des consommateurs, était censée ajuster l’offre à la demande, est largement biaisée depuis la généralisation de la publicité et la création de besoins nouveaux qui en découle. Création de produits et services inutiles voire purement spéculatifs. Ici ou là, des voix s’élèvent pour frugaliser tout cela.

Les Pantocators, tels de gros thermomètres, ont bien perçu cette évolution de l’opinion. Ils font la promotion du dernier système de gouvernance émergeant : le Directoire des Pantocrators nationaux. Toujours en avance, l’opinion publique caresse même l’utopie d’un pantocrator mondial.

Toute cette agitation médiatique est bien le signe d’une évolution de l’Histoire. Les sociétés humaines sont, comme les espèces vivantes, soumises à la loi de la lutte pour la vie. La mondialisation des échanges, la limitation des ressources naturelles, font que celles qui seront incapables de s’adapter disparaîtront.





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1 commentaire:

Jean-François a dit…

As-tu lu du Kafka ?
«Les poètes tentent de greffer aux hommes d'autres yeux et de transformer ainsi le réel. Aussi sont-ils des éléments dangereux pour l’Etat, puisqu'ils veulent transformer. Or l'Etat et ses dévoués serviteurs n'aspirent, eux, qu'à durer.»

Il avait lui aussi un singulier recul par rapport au monde de son temps, par rapport à l'homme. Un peu désespérant certes, mais si pénétrant, incisif , absolu ...