mercredi 31 mars 2010

Vents de sable, vent d'espoir





Hessa Hilal, une  courageuse Saoudienne de 40 ans, est en passe de remporter la finale du concours « Le million du poète », émission diffusée par la télévision publique d’Abou Dhabi. Dissimulée derrière un voile intégral, elle a lu son poème « Le chaos des fatwas » qui stigmatise les « barbares à la voix vicieuse, aveugle et en colère, portant des ceintures» d’explosifs. En demi finale, ces vers ont déclanché l’acclamation du public, mais elle s’est attirée les foudres des milieux fondamentalistes et les menaces de mort à son encontre fleurissent sur certains sites islamistes.

Lisez l’article de référence

Allez voir la video en arabe

Extraits du poème (traduction libre)

J’ai vu le mal dans les yeux des fatwas subversives,
En un temps où le légitime
Se confond avec l’illégitime.

Derrière le voile se cache un monstre
Barbare en pensées et en actions,
Furieux et aveugle,
Revêtu de sa robe et ceinturé de mort.

Il parle d’une tribune puissante et respectée,
Terrorisant le  peuple,
Stigmatisant ceux qui cherchent la paix…



mardi 30 mars 2010

Vents d'est, vent d'ouest


Depuis le roman de Pearl Buck publié en 1930, on a beaucoup écrit sur la Chine. A mon tour, je vous livre quelques réflexions sur la dernière affaire qui agite les médias occidentaux.

Europe N°1 rapporte ce matin que quatre ressortissants australiens, travaillant dans une société minière en Chine, viennent d’être condamnés à des peines de 6 à 14 ans de prison (chinoise) aux motifs d’avoir versé des pots-de-vin et pratiqué l’espionnage industriel. La communauté internationale et l’Australie s’en émeuvent.
Le commentaire poursuit en résumant un article du prix Nobel Joseph Stiglitz, paru dans la revue CAPITAL, dans lequel il constate que la Chine va devenir la référence en Asie et ailleurs, au détriment des USA. Ce modèle de gouvernance autoritaire non seulement sape les fondements du capitalisme mais aussi ceux de la démocratie.

Personnellement, je pense que l’Occident fait une petite erreur d’appréciation. Après les remontrances sur les droits de l’homme, il s’est permis de stigmatiser  la Chine sur le plan du non respect des règles de propriété industrielle et intellectuelle. Par ailleurs un observatoire international, largement inspiré par l’Occident, publie un classement des pays par degré de corruption, dans laquel la Chine est également montrée du doigt.

La mentalité ancestrale des chinois est impériale avec un complexe de supériorité très bien partagé. En conséquence «sauver la face » comme nous disons est un réflexe. Et pour ceux qui sont philosophes, l’équilibre entre le Yin et le Yang est la base de la vie.

La condamnation des quatre Australiens, vue par les dirigeants chinois, s’inscrit dans ce contexte. Vous nous dites que nous sommes une nation de corrompus et de contrefacteurs. Voyez, nous avons des lois et nous les appliquons démocratiquement de la même façon aux ressortissants étrangers et à nos nationaux. D’ailleurs le jugement en question a été relativement clément : rappelez vous que certains ressortissants chinois ont été condamnés à mort pour des faits du même genre.

En pratique, en Chine comme ailleurs, le pot-de-vin est interdit. Le petit cadeau qui entretient l’amitié doit être d’une valeur proportionnée au rangs de ceux qui offrent et qui reçoivent. En revanche les contributions en nature ou les dons à des œuvres d’utilité publique sont parfaitement licites. Les relations harmonieuses sont la base du business et de la vie sociale. En Chine on appelle ça le Guan Xi . C’est une question de civilisation dont il n’est pas évident de saisir toutes les finesses.

Quant au renseignements sensibles sur la concurrence, je ne crois pas qu’il faille s’en priver, mais il faut faire attention à la façon dont on s’en sert : pas de traces écrites même codées, ni téléphoniques, ni autres. Le sage rend ses oracles sans citer ses sources d’informations.

La société de l’immédiat

L’autre jour, Nicole et moi écoutions une discussion entre deux de nos petits-fils, agés de 12 et 13 ans. Ils discutaient sur la notion de liberté qu’ils avaient étudiée en classe.
Le premier a soutenu que «sans interdits, il n’y a pas de liberté». Un formule inédite pour nous et que nous avons trouvée très pertinente.
Le second n’était pas de cet avis et en restait à « ma liberté, c’est de faire tout ce qui m’est matériellement possible».
Ensuite, leur controverse s’est plutôt enlisée. Pour tout dire, les arguments échangés n’étaient pas plus médiocres que ceux doctement imprimés dans les tribunes libres de tel ou tel faiseur d’opinion autorisé.

Doit-on conclure que la société de l’immédiat s’infantilise ?

lundi 29 mars 2010

La société de l’e-media

Le plus arrièré des incultes  sait que e-media se prononce comme immédiat. Tout un programme !
Le temple de l'immédiat, c’est daily-motion que vous pouvez prononcer sans risque de vous tromper « de l’émotion ».

Comment cela fonctionne-t-il ? Vendredi on entend sur Europe N°1 Stéphane Gatignon, le maire de Sevran, qui revient sur une fusillade récente dans sa ville. Il se plaint amèrement de ce que les budgets municipaux ne permettent pas d’endiguer la montée de la violence urbaine. Il insiste sur le manque de présence policière "normale" et la prohibition à l'égard du cannabis qui fait le bonheur des trafiquants.

Le lundi suivant, toujours sur Europe N°1, on rapporte que le ministre Brice Hortefeux s’est rendu sur place ce week-end où il a annoncé la création de 1500 emplois de fonctionnaires publics à Sevran. Le commentateur, dont les préférences politiques sont patentes, conclut en ajoutant que le meilleur moyen d’augmenter l’emploi dans la fonction publique est de faire appel à Europe N°1.

Cela m’inspire une remarque de portée générale sur la prononciation du franglais : pour accéder en tous temps et en tous lieux aux e-media, on doit utiliser des e-PC, des i-phones, des e-books, des i-pads … Je m’y perds entre ces «e» qui se prononcent «i» et ces «i» qui se prononcent «aïe». Peut être devrait-on prononcer «aïe-média» !

dimanche 28 mars 2010

De la relativité générale étendue



On a tort de traiter les sciences sociales avec condescendance. Tout comme les sciences dures, elles ont leurs lois.
Mohamed Zweistein, professeur honoraire à l’université Al Azar du Caire, déjà connu pour sa théorie de la proximité, vit maintenant retiré au monastère de Namgyal en Inde. Sans doute influencé par la doctrine bouddhiste de l’impermanence des choses, il a proposé dernièrement une théorie de la relativité générale étendue à la politique :
De la même façon que les objets massifs courbent l’espace-temps à leur voisinage, ce qui influence le comportement de tout autre objet massif , les acteurs puissants déforment l’espace-temps et influencent le comportement de tout autre acteur qui se présente dans leur voisinage, qu’il soit puissant ou simple citoyen.

Les observations explicables par la nouvelle théorie sont légion. Outre la guerre des chefs, qui se perd dans la nuit des temps, nous citerons trois des plus récentes:

 Le prix du gaz en France
On a trouvé une nouvelle technique très performante pour extraire le gaz des roches-mères. Les réserves avérées sont multipliées par quatre. Les Etats-Unis réduisent leurs importations. Le reste du monde est en surcapacité et les prix de marché baissent de vingt pour-cent. Dans le même temps, en France, on annonce une hausse du prix du gaz de neuf pour-cent. Le paradoxe n’est qu’apparent : en 2009, pendant la crise entre la Russie et l’Ukraine sur l’acheminement du gaz, la France, au nom du principe de précaution, a cherché à diversifier son approvisionnement et passé des contrats à long terme avec les pays du Golfe. Dans l’urgence, il a fallu accepter que le prix du gaz soit indexé sur le prix du pétrole.
On annonce maintenant la renégociation prochaine de la clause de révision automatique du prix.
 Le vaccin anti-grippal
En 2009, notre ministre de la santé a passé des contrats d’achat pour quatre-vingt quatorze millions de doses de vaccin contre la grippe A. L’épidémie annoncée n’a pas eu lieu. Dans un premier temps, on annonce que l’on prendra seulement les douze millions de doses déjà livrées. Finalement, on devra se contenter de négocier le montant du dédit.
 Les élections en Iraq
En mars 2010, le résultat des élections démocratiques est contesté par le candidat arrivé en deuxième position. Il exige le recomptage des voix. Rien de nouveau et les exemples pullulent, y compris dans les plus anciennes traditions démocratiques, aux USA, au Royaume Uni, en France. Cela devient lassant.

On savait bien que les vérités d’hier ne sont pas celles d’aujourd’hui, mais on découvre que les vérités qui dérangent sont systématiquement remises en cause. Tous ceux qui détiennent la moindre parcelle de puissance : les politiciens, les états, les syndicats, les associations... , quand ça les arrange, ne s’en privent pas.

D’autres observations relevant de la relativité étendue, non encore prouvées, mais en cours de vérification, sont nombreuses : prééminence du pouvoir maffieux, montée des extrémismes, déclin de la démocratie…le tout dans un emballage populiste façon «Fascistes du IIIème millénaire» en Italie.

Encore un peu de temps et l’on  inscrira dans la constitution française, à la suite du principe de précaution, celui de la relativité de la parole donnée !

mardi 23 mars 2010

Les nouvelles Provinciales




Les premières étaient un pamphlet contre les Jésuites et,  par ricochet, elles atteignaient le Roi.

Rien de nouveau sous le soleil. Après les élections provinciales de mars 2009, le parti socialiste décide de "travailler sur le fond" pour emporter le pouvoir en 2012 , l’UMP décide de" travailler sur le fond" pour le conserver.
Les uns traitent le remaniement ministériel de cosmétique, les autres emploient un mot en « ade » que je n’ai pas retenu.

Il faut craindre qu’à force voir tous ces esprits aiguisés travailler sur le fond, la France ne le touche bientôt !

mercredi 17 mars 2010

Où va la démocratie ? (suite 3 )



4 – A l’Est il y  a du nouveau


La dernière livraison du journal LE COURRIER DE RUSSIE   ( N°162 ) donne un aperçu intéressant sur les mœurs politiques dans une grande puissance facialement démocratique, qui se préoccupe de son avenir dans le flux inéxorable de la mondialisation.
Saluons tout d’abord l’éditorial du directeur de la publication, mon ami Jean-Félix, qui,  sous couvert de pourfendre les jugements hâtifs d’un historien grenoblois et de la presse française, réaffirme sa ligne éditoriale « la destruction des mythes ». Prudemment il ne dit pas lesquels.





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Poursuivant la lecture, on trouve page 4 une description de la société russe actuelle, divisée en structures étatiques et structures non-étatiques, chacune avec ses privilégiés, nomenklatura et nouveaux riches, chacune avec son système de pouvoirs officiels, semi-officiels et officieux. Le partage des rôles entre Medvédev et Poutine, la nouvelle ligne politique, désirée mais qui se cherche, pour sortir la Russie d’une économie de producteur de matières premières et à préparer une société post-industrielle…
Cet interview d’une sociologue russe est remarquable, à la fois par sa description sans fard de la situation, mais aussi par les circonlocutions prudentes pour, comme elle dit, « ne pas franchir la ligne rouge » imposée par le pouvoir.





 ° °  °
Enfin, on trouve en page 8, une communication du Chef adjoint de l’administration présidentielle, Vladimir Sourkov, qui nous livre une analyse autorisée de la situation. Analyse, elle aussi remplie de précautions oratoires, montrant l’absolue nécessité d’engager la Russie sur la route glorieuse de la société post-industrielle. Sourkov esquisse les grandes lignes des méthodes pour y parvenir, méthodes qui ressemblent assez au discours de notre propre Président de la République. Favoriser l'investissement dans la recherche des technologies nouvelles, etc.etc.

Le plus passionnant est de voir exposés les freins immenses qui s’élèvent avant de commencer. On se croirait en France. Le fil du rasoir entre dirigisme
« la centralisation qui se trouve à la limite de ses possibilités » et les « chamailleries des libéraux et leurs incessantes disputes ». La comparaison timide avec la situation à l’étranger et l’habile coup de chapeau au peuple américain, dont on devine qu’il est l’idole de la jeunesse russe, « la modernisation spontanée, c'est un phénomène culturel  -- précisément culturel et non politique --  qui n'a eu lieu que dans les pays anglo-saxons. »
Sourkov  fustige à nouveau les nostalgiques de l'organisation soviétique : 
« Nous voulons en permanence que quelqu'un soit responsable pour nous. Il faut que l'on nous instruise et que l'on nous soigne gratuitement, que l'on paie les transports, que l'on s'occupe de nous. Nous sommes incapables de faire face à nos problèmes de façon indépendante et nous attendons que quelqu'un les résolve à notre place...»

Sourkov conclut en soulignant que la modernisation est un phénomène culturel, qui , pour être efficace, doit impliquer toute la population et pas seulement les privilégiés. Suit un petit cours de psychologie des foules : coaching du peuple vers un état d’esprit positif, éloge de la liberté d’entreprendre,  de la liberté de faire fortune grâce aux nouveaux services rendus à la société, invitation à ne plus considérer l’argent des autres comme un péché…





° °  °
A la suite de cette lecture, j’irai de ma petite touche personnelle : les vieux pays ont tous les mêmes problèmes, les mêmes lignes stratégiques pour échapper à leur déclin engagé, les mêmes résistances passéistes.
        Quoi qu'on en dise, l’ambition n’est plus de « changer le monde » mais de « changer soi-même» pour survivre . Espérons qu'on y arrivera.















mardi 16 mars 2010

Où va la démocratie ? (suite 2)




3 – Entre deux tours
              

En Poitou-Charente, faut-il dire qu'ils vont élire
 une Pantocrator, ou bien une Pantocratore,
ou encore une Pantocratoresse ?

La dévotion populaire ne s'en soucie guère. Il lui
suffit de voir Ségolène habillée de bleu (ciel)
 et blanc comme les statues de la Sainte Vierge
de mon enfance.
        

Une Sainte  Vierge qui proclame son rôle de  médiatrice, son rôle 
de protectrice. Une Sainte  Vierge qui console et apaise les
souffrances de ses dévots.

Ils sont quand même forts ces conseillers en image, conseillers  en 
communication, psychologues des foules électorales.
Un petit mot par ci, un petit mot par là, sans avoir l'air d'y toucher,
mais pour que les médias locaux puissent extraire et démultiplier.
Démultiplier pour les jeunes, pour les DOM-TOM, pour les  écolos
utopistes et pour les écolos de pouvoir, pour les enseignants et
pour les autres  fonctionnaires. Même les entrepreneurs  ont eu
droit à leur petite caresse dans  le sens du poil.

                                               °   ° °   °             


On dit que pour séduire les femmes,
il faut les faire rire...
J'attends avec impatience l'analyse
des résultats détaillés  en Languedoc-Roussillon.
          


Car pour nous faire rire  ils ont là-bas un maître : traiter Martine
Aubry de faux cul  et enfoncer le clou en s'excusant auprès de
 l' association des faux culs, c'est quand même fort.
Il est vrai que le lendemain, il ne la traitait que de Madame
moins trois  pour cent.

Quel boute-en -train ! Il joue du ressort ancestral des méridionaux,
en coquetterie  avec l'administration centrale depuis la croisade
des Albigeois. La rue de Solférino mise dans le même panier que
Sarkozy, il fallait y penser !
Le tout dans la bonhomie la plus parfaite et une vibrante profession
de  foi : je suis né socialiste et je le resterai jusqu'à mon dernier
souffle. Amen.


RACINES PROFONDES

A une époque où le besoin d’appartenir à des communautés se fait sentir avec acuité, on ne se soucie peut-être pas assez de nos racines profondes, en particulier celles du langage.

Dans les jeunes générations, qui sait que les mots saint, sanction, sacré ont une étymologie latine commune : le verbe « sancio » qui signifie « vouer aux dieux », lui-même dérivé d’une racine indo-européenne « sak » qui signifie la même chose. Qui sait que le mot « sanction », actuellement compris au sens de punition, signifie en premier : arrêté officiel, officialisation, en second : la conséquence du-dit arrêté, d’où la notion de peine, résultat de la justice pénale.

D’ailleurs qu’est-ce qu’un « saint » ? Dans les premièrs siècles c’était une personne décédée, unanimement reconnue comme ayant été distinguée par Jésus.

Chaque petite communauté chrétienne a ensuite rajouté quelques figures que le peuple vénérait particulièrement, notamment les martyrs au nom de la foi.

L’évèque local sanctionnait cette aspiration. La sanctification n’était que la sanction, au sens premier du terme, prise par une autorité à la suite d’une forte demande populaire : « vox populi, vox dei ».

Les historiens nous disent que, un peu avant l’an 400, l’évèque de Rome s’est autoproclamé « pape » c’est-à-dire père des autres évèques, qui jusqu’alors se considéraient tous comme « frères ». Et c’est seulement un peu avant l’an 1000 que la papauté de Rome s’est préoccupé de codifier la procédure de sanctification et s’en est arrogé l’exclusivité pendant deux siècles.

Cependant au XIIème et XIIIème siècles, ce sont de nouveau les évêques qui décident.

Une nouvelle instruction papale est promulguée en 1634 instituant le cheminement du serviteur de Dieu vers le statut de vénérable, puis de bienheureux, puis de saint. Rome reprend la main.

Jusqu’à Jean-Paul II, la position constante de l’église a été de résister à la ferveur populaire et d’accorder le statut de saint avec parcimonie.

Il est remarquable que, dans nombre de religions, on observe le même processus. Le peuple a besoin de médiateurs entre la divinité suprême et le fidèle de base. Il en crée de nouveaux constamment. L’autorité centrale résiste mais finit par suivre le mouvement.

Ne voyez surtout aucun parallèle avec les péripéties actuelles qui opposent, dans notre régime présidentiel, l’Administrations centrale et les Administrations territoriales.