samedi 3 avril 2010

Au risque de se perdre…



Suite à la polémique entre Claude Allègre et le groupe des quatre-cents scientifiques réchauffeurs climatiques, j’ai entendu hier l’économiste anglais Sir Nicholas Stern interviewé par Jean-Pierre Elkabach. Pour mettre tout le monde d’accord, Stern insiste sur le concept de risque. Selon lui, les risques sont élevés, et il est urgent de prendre de nouvelles orientations. Les thèses de Stern ont elles mêmes fait l’objet de polémique entre économistes.
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J’ai aussitôt fait le rapprochement avec le livre passionnant de Lionel Naccache « Perdons nous connaissance ? ». Lionel est justement une de mes connaissances. Il me pardonnera ce petit jeu de mots, car il emploie le même procédé dans son livre dont je vous recommande la lecture.

Lionel est un éminent médecin neuropathologiste doublé d’un humaniste es philosophie et judaïsme.

Il nous  confirme une caractéristique de l’espèce humaine pensante : toute prise de connaissance passe par un système "fiction/représentation/croyance", processus obligatoire permis par la stucture de notre cerveau. Il fait le point des dernières recherches de la neuropathologie à cet égard. On notera que « croyance » a ici un sens beaucoup plus général que celui de « croyance religieuse ».

Naccache rappelle que la prise de conscience implique un sujet - celui qui prend conscience - et un objet. Le sujet peut être vous, moi, mais aussi un groupe humain, une société … L’objet peut être matériel, inanimé ou animé : une chaise, l’homme en face de moi ; mais aussi un objet intellectuel, un concept, une croyance : la terre est ronde et tourne autour du soleil.

Il dit surtout que le sujet après la prise de conscience n’est plus tout à fait le même que le sujet avant. La prise de conscience a un prix, parfois insupportable, pouvant conduire à la folie ou au suicide. La connaissance peut donc être un danger pour les sujets qui l’atteignent.

Mais le repli sur soi ou sur le passé, le refus des savoirs nouveaux, sont autant de « mauvaises solutions ». L’homme doit assumer le risque de la connaissance et le gérer au mieux. C’est d’ailleurs ce que l’être pensant fait en permanence tout au long de sa vie: adapter son système de croyances aux réalités du monde extérieur.
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Pour les affaires de la planète, le  nouvel objet de connaissance qu’est le risque de catastrophe écologique, de catastrophe naturelle, de catastophe agro-alimentaire etc. est clairement du même ressort. Qu’est ce que le risque, si ce n’est une fiction, une représentation d’évènements futurs, possibles, mais pas certains, basée sur des informations qui nous viennent du monde réel.

Dans le détail, certaines prédictions se révèleront vraies et d’autres fausses. Mais la société mondiale et l’avenir de l’humanité auront été changés par cette prise de conscience. Les comportements économiques et politiques seront infléchis. Tous les dangers pronostiqués ne surviendront pas, d’autres seront maîtrisés. Des dangers insoupçonnés se feront jour. Certains mécanismes, aujourd’hui controversés, s’imposeront comme des évidences universelles.

S’il réussit son adaptation au monde tel qu’il est devenu, homo sapiens risque de survivre encore quelques siècles.



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