mardi 16 mars 2010

RACINES PROFONDES

A une époque où le besoin d’appartenir à des communautés se fait sentir avec acuité, on ne se soucie peut-être pas assez de nos racines profondes, en particulier celles du langage.

Dans les jeunes générations, qui sait que les mots saint, sanction, sacré ont une étymologie latine commune : le verbe « sancio » qui signifie « vouer aux dieux », lui-même dérivé d’une racine indo-européenne « sak » qui signifie la même chose. Qui sait que le mot « sanction », actuellement compris au sens de punition, signifie en premier : arrêté officiel, officialisation, en second : la conséquence du-dit arrêté, d’où la notion de peine, résultat de la justice pénale.

D’ailleurs qu’est-ce qu’un « saint » ? Dans les premièrs siècles c’était une personne décédée, unanimement reconnue comme ayant été distinguée par Jésus.

Chaque petite communauté chrétienne a ensuite rajouté quelques figures que le peuple vénérait particulièrement, notamment les martyrs au nom de la foi.

L’évèque local sanctionnait cette aspiration. La sanctification n’était que la sanction, au sens premier du terme, prise par une autorité à la suite d’une forte demande populaire : « vox populi, vox dei ».

Les historiens nous disent que, un peu avant l’an 400, l’évèque de Rome s’est autoproclamé « pape » c’est-à-dire père des autres évèques, qui jusqu’alors se considéraient tous comme « frères ». Et c’est seulement un peu avant l’an 1000 que la papauté de Rome s’est préoccupé de codifier la procédure de sanctification et s’en est arrogé l’exclusivité pendant deux siècles.

Cependant au XIIème et XIIIème siècles, ce sont de nouveau les évêques qui décident.

Une nouvelle instruction papale est promulguée en 1634 instituant le cheminement du serviteur de Dieu vers le statut de vénérable, puis de bienheureux, puis de saint. Rome reprend la main.

Jusqu’à Jean-Paul II, la position constante de l’église a été de résister à la ferveur populaire et d’accorder le statut de saint avec parcimonie.

Il est remarquable que, dans nombre de religions, on observe le même processus. Le peuple a besoin de médiateurs entre la divinité suprême et le fidèle de base. Il en crée de nouveaux constamment. L’autorité centrale résiste mais finit par suivre le mouvement.

Ne voyez surtout aucun parallèle avec les péripéties actuelles qui opposent, dans notre régime présidentiel, l’Administrations centrale et les Administrations territoriales.

2 commentaires:

Jean-François a dit…

A propos de la canonisation des Saints : on peut en parler sans doute utilement et certainement abondamment.
Je fais juste une remarque :

Que les choses ne soient pas dans l'Église aujourd'hui comme elles étaient à l'origine ou au Moyen Âge, c'est heureux ! Certes parce que le monde ne cesse d'évoluer, mais aussi, surtout, parce qu'en même temps et à cette occasion la foi chrétienne ne cesse de s'approfondir et d'expliciter peu à peu ce qui se trouve dans la Révélation (car c'en est une ou ça ne vaut rien).

St. Paul a une parole sublime à ce propos, quelque chose comme ça : " la Création toute entière gémit dans les douleurs de l'enfantement en attendant la révélation des Fils de Dieu ".

Les Saints en tous les cas sont gens qui croient en la Révélation, qui considèrent l'Église comme Maîtresse d'interprétation et qui vivent ce qu'ils croient. Le peuple ne s'y trompe pas.

Le curé d'Ars, dont il est grandement question ces temps-ci, en est un magistral exemple.

PJMB a dit…

Je suis content que tu conclues tes remarques pertinentes par : "le peuple ne s'y trompe pas" qui rejoint l'adage "vox populi, vox dei".
Tu auras remarqué que ce petit billet s'insère au milieu de quatre autres dédiés aux caractéristiques des démocraties modernes. Ce n'est pas un hasard.